Les dessous de l’or
- Cécile Pereira
- 4 mai 2022
- 3 min de lecture

Précieux, exceptionnel, rare… Tant d’adjectifs qui caractérisent parfaitement ce métal si prisé. Près de la moitié de l’or extrait est aujourd’hui sous la forme de bijoux… Etrangement, ce n’est pas la planète qui s’embellit d’une belle parure, bien au contraire.
L’or est-il toujours si brillant ?
L’or naît partout sur le globe terrestre, aussi bien sur la terre que dans les océans. Venu des étoiles, il s’est répandu sur notre planète sous la forme de gisements grâce à l’activité géothermique. Des milliards d’années plus tard, ce précieux métal est recueilli par extraction minière, un procédé extrêmement coûteux, surtout pour l’environnement…
Les méthodes d’extraction de l’or
La plus répandue est la cyanuration. Ce procédé correspond à 80% de l’or produit dans le monde entier. Après concassage du minerai, il est immergé dans une solution de cyanure ce qui condense alors l’or au fond de la cuve. En plus d’utiliser de nombreux éléments chimiques polluants, la cyanuration nécessite de large quantités de minerais pour des rendements d’or très faibles. Ainsi, un gramme d’or génère plus de deux tonnes de rebuts miniers. L’amalgamation est une technique assez ancienne et extrêmement polluante. Au contact du mercure, l’or réagit en formant un amalgame. Une fois solide, ce composé est chauffé à très haute température afin que l’or se détache. Bien que néfaste pour l’environnement, les exploitations minières artisanales et celles à très petite échelle utilisent ce procédé pour son coût avantageux et son accessibilité. Enfin, la séparation par gravité reprend la densité de l’or. Cette technique, l’une des plus traditionnelles, joue sur la différence de densité entre l’or et les autres minéraux qui l’accompagnent lors de son extraction. De nos jours, les machines sont plus efficaces ce qui augmente le pourcentage de récupération de l’or
Des conséquences écologiques désastreuses
L’extraction aurifère est l’une des activités les plus polluantes. Depuis des années, elle déclenche de nombreux scandales environnementaux et sociaux. Pollution des rivières et de la nature environnante, destruction d’écosystèmes entiers, rejets nocifs de composants chimiques, mépris des droits humains… Un constat alarmant.

Aujourd’hui, il existe suffisamment d’or extrait pour couvrir l’ensemble de l’industrie joaillière des 50 prochaines années. Notre société, progressivement plus sensible à sa façon de consommer et de produire, fait émerger des initiatives locales et internationales afin de continuer dans cette voie. La convention de Minamata de 2013 au Japon, a édité un traité entrant en vigueur en 2017 qui bannit l’utilisation de mercure, intensifie le contrôle de ses émissions et interdit l’introduction de nouvelles mines de mercure tout en abandonnant à terme celles déjà existantes. Le Fairmined Standard, label initié par l’organisme « Alliance pour une Mine Responsable », certifie la provenance responsable et éthique de l’or. Il vise à interdire le travail des enfants dans les mines, instaurer les droits du travail, réduire l’utilisation de composants chimiques et à stimuler l’économie locale.

La solution de l’or recyclé
« Pour recycler de l’or, il faut d’abord le chauffer à très haute température pour qu’il se liquéfie. Ensuite, on le coule dans des moules rectangulaires pour lui donner sa forme la plus reconnaissable : le lingot d’or. », explique Eugénie Madec, étudiante à la Haute École de Joaillerie, tout en frappant une pièce. Les métaux précieux sont recyclables à l’infini sans dégrader leur qualité. Cette technique existe déjà depuis des millénaires et n’est aujourd’hui maîtrisée que par les métallurgistes, orfèvres et joailliers. Depuis quelques années maintenant, les joailleries ont pris conscience de l’impact négatif sur l’environnement et les populations que génère l’extraction de l’or. Elles se concentrent donc sur l’or recyclé. Certaines ont pris le parti de n’utiliser exclusivement que celui-ci comme Or du Monde, une joaillerie responsable et éthique du 2ème arrondissement de Paris. Une série de nouveaux créateurs de bijoux aux engagements forts comme ces derniers fleurissent sur le marché de l’or recyclé et éthique comme JEM (Jewellery Ethically Made) ou encore Héloïse & Abélard. Les célèbres maisons de la place Vendôme proposent peu à peu à leur clientèle cette variation à l’image de Courbet ou encore Boucheron.
Pourquoi continuer d’extraire de l’or ?
L’or recyclé diminue la demande, mais il garde un rôle important dans l’économie… L’or reste de l’argent ! Toujours accepté dans le système monétaire international, ce métal est la monnaie ultime qui peut être convertie en argent presque instantanément en période de crise. Même si l’industrie joaillière en diminue l’extraction pour ses propres fins, le phénomène aura toujours de quoi continuer. En plus d’être le moteur de secours de l’économie, l’or permet également de vivre. C’est là le seul défaut de l’or recyclé : il n’est porteur d’aucun développement. Ce secteur offre une opportunité économique indéniable pour des millions de personnes vulnérables. Ce dilemme est bien le nouveau défi de la joaillerie moderne.
Cécile Pereira.
Crédits photo : © Le guide du Périgord | © VéraCash / Pedrosa Neto | © Cécile Pereira
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